Les supers héros contre le Capitaine Tag

Les supers héros de la gratuité des transports en commun.

Nous voila, les justiciers de la gratuité des transports en commun urbains, hommes et femmes, collant moulants et colorés, masqués, grimés nous allons à la recherche de notre ennemi juré le Capitaine TAG (Transport de l’Agglomération Grenobloise).
Nous nous dirigeons, pas très discrètement, vers un arrêt de tram proche. Par chance un tram arrive et une horde de contrôleur y monte par l’avant. Nous compostons nos billets, comme il était prévu, et nous dépêchons de monter à l’arrière afin de ne pas rater notre première rencontre avec les sbires du capitaine tag.

Le tram démarre. Nous prévenons les passagers en criant d’excitation, “Ne vous inquiétez pas, nous sommes là pour gagner la gratuité des transports en commun”, “grâce à nous vous n’aurez plus à payer le tram” “en ville on devrait pouvoir se déplacer gratuitement” et autres choses de ce genre. Puis, plein d’énergie, nous entonnons notre chant en nous dirigeant vers l’avant du tramway :
 » Capitaine TAG tu n’es pas de notre galaxie, mais du fond de l’ennuie
Capitaine TAG
Se déplacer jusqu’ici doit pas avoir un prix
Pour bouger tous les hommes-euuuuuh – et les femmeuuuuuus. « 

Nous rejoignons rapidement les contrôleurs et ils nous demandent nos titres de transport,s s’il nous plaît. “Ah oui, bien, sur mais ou l’ai-je donc mis, dans mon collant ? dans mes bottes ? ah non, il a du tomber, je ne le trouve pas, mais si si si je l’ai, je suis Super Gratos, un super héros quand même, pas un malfrat, pour qui me prenez vous ?” Et la scène est la même pour Super Grognonne, Super Vif etc… On se marre bien et le public aussi.
Une gentille mémé, assise à côté, est bidonnée.

Le tram stop à un arrêt et je cri “Vite tous ceux qui n’ont pas de ticket barrez-vous on les tient !”.
Plusieurs contrôleurs se placent autour de moi, je leur explique quelle est ma quête et pourquoi nous revendiquons la gratuité des transports en commun en ville. Précarité des étudiants etc… de vrais choses sérieuses et réelles. Pendant ce temps, les autres contrôleurs continuent de tenter de vérifier les tickets de supers restants. La situation dure un petit peu et le général des contrôleurs s’énerve et prends son talkie-walkie “allo, on a un code R2 là, on vous attend, un code R2”.
Bon, je ne me rappelle plus exactement du code du code, mais en tout cas ça nous a fait de l’effet : qu’est ce que le code R2 ? Ça à l’air vachement sérieux 😉 Puis, les contrôleurs verbalisent une amie pour défaut de ticket de transport, elle n’a pas sa carte d’identité. Elle place son PV dans son costume. Peut-être y a t-il un temps pour donner son titre de transport ? Ils veulent également me verbaliser pour défaut de titre de transport et tapage, mais je discute, je discute et gagne du temps.
À l’arrêt suivant, nous comprenons ce qu’est le code R2, un policier et une policière montent dans le tram la mine sévère. En nous voyant, ils marquent une pause et je vois le policier écarquiller les yeux, contenir un sourire et je l’entends demander, “mais qu’est ce qu’il se passe ici ?”
Le policier se marre en écoutant nos explications. Je lui tend ma pièce d’identité. Il va pour la donner aux contrôleur, je la retiens en lui disant “non, pas à eux, ils sont méchants, faut pas la leur donner”. Il m’explique, gentiment, qu’il n’y avait pas de problème, qu’ils avaient le droit de la voir car ils étaient assermentés également. J’entends à côté la policière demander “mais alors ils avaient leur titres de transport ou pas ?” et le contrôleur obligé de répondre que oui.

Le tram arrive au terminus tous les passagers descendent. Il reste dans le tram le conducteur, les contrôleurs, les policiers et nous. Au moment de refermer les portes, un passager bloque la porte avec son pied en demandant pourquoi les supers héros ne descendent pas. Il se fait refouler par les policiers. Finalement la porte se referme et le tram repart au ralenti sur une voix de délestage. Quelques passagers semblent suivre le tram à l’extérieur. Apparement nous avons fait de l’effet sur un petit groupe de jeunes.
Arrivés au bout d’une voix sans aménagement, proche d’un parking de voitures, les contrôleurs demandent au conducteur d’ouvrir la porte. Celui-ci sort de sa cabine énervé : “C’est quoi ce bordel, hors de question que je vous laisse les faire descendre ici, s’il se passe quelque chose je suis responsable. On retourne à quai.” S’en suit une discussion houleuse entre les contrôleurs et le conducteur. À l’extérieur un des civils sort une caméra et commence à filmer, à travers la fenêtre. Un contrôleur hurle “alors là on me filme pas, ouvre la porte.”.
Finalement, le conducteur ouvre la porte et la policière va voir les civils.
Contrôleurs et policiers nous amène sur le parking, ou nous sommes accueilli par une demi douzaine de gendarmes de Seyssin, ayant quitté la juridiction de Grenoble, et des responsables de la TAG. Ils contrôlent nos identités et demandent aux contrôleurs “ils avaient leur titre de transport alors ? mais qu’est ce qu’on fout là”.
Les contrôleurs répondent tant bien de mal. Nous, de notre côté, on fait pas trop les malins. Nous devons rester ici, une voiture de gendarmes arrivent avec 3 gendarmes et un OPJ. Il semble que ça chauffe un peu en ce qui concerne la caméra et un civil.
Il doit y avoir à ce moment là sur le parking, environs, 12 forces de l’ordre, 6 contrôleurs, 4 responsables de la TAG dont un grand chef, quelques civils et six supers héros. Il fait beau, des FDO discutent de leur week-end, prennent des nouvelles les uns des autres. Un contrôleur me demande si je regrette mon comportement, grosso modo, ravalant mon orgueil, je lui répond que oui. Puis nous voyions arriver 2 motards sur-armés, qui s’arrêtent proche de nous en enlevant leur casque et lancent, à la Arnold Swarzenneger “Hey, on nous a dit qu’il y avait des supers héros ici”.
Ils s’enquièrent de la situation auprès de leurs collègues et le plus jeune des deux, s’approche de moi, l’air hautain. Je tente de garder un peu de dignité, il me regarde de bas en haut et me lance “putain, sérieusement, vous me faite pitié”. J’ai du mal à encaisser son mépris, je prends un temps et répond, “Oui, nous faisons super pitié car nous sommes des supers héros.” D’ailleurs personne ne nous avais demandé d’enlever nos masques.
Une autre voiture de gendarmerie arrive, puis une autre, plus 6 points pour les forces de l’ordre. Nous sommes une trentaine maintenant. Ça discute de partout, j’ai du mal à suivre, mais je comprends que tout le monde se demande un peu ce qu’il fout là. Des gendarmes s’avancent vers moi en me désignant, un contrôleur les rattrape et leur dit “Non, non, on a discuté, il a dit qu’il ne le referait plus, qu’il était désolé. N’est ce pas ? hein ? je vous enlève le PV pour tapage, hein, comme on a pu discuter, ça va”.
Nous quittons la scène, à pied, quelques minutes plus tard.

On y croyait pas nous même, je ne me rappelle pas exactement à quel moment les FDO et TAG sont arrivés, ni combien ils étaient, mais nous avons toutes et tous compté entre 30 et 40 personnes ! C’était hal-lu-ci-nant ce que nous avions déclenché.
Avant de partir, un contrôleur nous a dit “mais vous comprenez, vous nous avez fait passer pour des cons”.
Rideau.