Rencontre avec un clown activiste

Source de l’article: https://lechatquifouine.wordpress.com/2014/12/03/rencontre-avec-un-clown-activiste/

« Depuis quelque temps, de plus en plus de clowns se sont joint aux manifestations qui ont eu lieu dernièrement dans les rues de Toulouse.

Afin d’en savoir plus sur ces clowns peu ordinaires, je pars à la rencontre de l’un d’entre eux.

Crédit photo Chat Graff

Je rencontre Jean Philippe, 42 ans et clown activiste.

« J’ai différentes identités clowns, comme Colomiel moutarde ou encore Capitaine fracasse. Tout ça fait un peu militaire, mais nous sommes en quelque sorte en guéguerre depuis quelque temps… »

Pourquoi avoir choisi de devenir clown activiste ?

« Je suis devenu l’un des leurs en 2009 à la suite d’une rencontre avec une brigade de clowns lors d’une manifestation. Depuis toujours on m’a demandé d’obéir, je n’ai rien contre cela tant que je comprends la raison de cette demande. Je ne suis pas un chevalier blanc, mais je suis foncièrement contre un système qui me demande d’obéir avant de savoir pourquoi. Le clown activiste se base sur ce raisonnement, je me suis reconnu dans ce mouvement. »… »

Que signifie pour vous être clown activiste ?

« Cela signifie défendre des causes qui nous sont chères en utilisant l’émotionnel, la dérision et l’humour pour toucher les gens, car le rire est une arme puissante et libératrice. »

Pouvez-vous m’en dire plus sur ce mouvement ?

« La brigade des clowns fait partie d’un mouvement, la CIRCA (La Clandestine Insurgent Rebel Clown Army, qui signifie Armée de clowns clandestins, insurgés et rebelles). Celle ci a vu le jour en 2003 au Royaume-Uni. Nous utilisons la dérision pour dénoncer par exemple la répression et la précarisation. Les techniques et exercices sont répertoriés dans le grand livre rose publié par la CIRCA. Notre mode d’emploi en quelque sorte. Ces techniques permettent d’attirer l’attention d’un public, que ce soit des passants, des commerçants, un client de supermarché ou encore des membres des forces de l’ordre. »

Pourquoi le clown comme symbole? 

« L’image du clown renvoie à la sympathie. Il offre une grande liberté. Quand je mets mon nez rouge, je peux agir et dénoncer plus facilement sans être pris pour un fou. Cela permet d’envoyer un message fort et pertinent sous couvert d’une apparence dérisoire, décalée. On touche le cœur des gens. En chacun de nous il y a un clown. Il existe dans notre maladresse et sensibilité. » 

Quelles sont vos moyens d’actions?

« Nous menons de nombreuses actions, comme par exemple nous déguiser en savants fous devant un supermarché pour inviter les clients à tester nos OGM. Ou encore simuler notre mort dans un endroit où on eu lieu des violences policières. Le but étant d’exagérer les choses pour mettre en avant les absurdités d’un système. Et c’est très efficace. C’est également ce que nous faisons avec les forces de l’ordres. Nous essayons de montrer si cette violence autorisée est normale et justifiée. Si celle-ci correspond réellement aux valeurs que défend ce corps de métier. » 

Qu’est ce que les clowns activistes dénoncent ? 

« Au delà de la répression, de la précarisation, nous essayons de poser un autre regard sur le monde. On montre qu’une autre manière de penser est possible. »

Quelles sont vos armes?

« Un regard décalé, la dérision et la sensibilité sont nos armes pour ne pas tomber dans l’engrenage de la violence. »

Que faites vous lors des manifestations?

« Actuellement les manifestations montrent une envie de changement et de justice. Contrairement à l’idée que certains ont, nous ne sommes pas des leaders ou organisateurs de manifestations. Nous sommes là pour mettre de la bonne humeur et détendre l’atmosphère tout en militant. »

Où pouvons nous vous rencontrer? 

« Nous sommes présents dans les marchés, les réunions, les manifestations pour distribuer des tracts et aller à la rencontre des gens. Nous pouvons également intervenir lors de situations tendues et éviter ainsi les dérapages. Notre QG est le Clownistan. C’est une « ambrassade ». Un endroit où l’on accueille et où on embrasse les gens. Il y a de nombreux Clownistan en France, au sein desquels nous organisons des activités où tout le monde peut proposer et animer. Enfin, nous faisons vivre deux ateliers « clowns »; Le mercredi : « techniques de clowns ». Le samedi : « brigade », c’est à dire apprendre à manœuvrer en groupe lors de manifestations par exemple. »

Existe-t-il un portrait type du clown activiste ?  

« Je dirai qu’en ce moment nous sommes une quarantaine sur Toulouse. La moyenne d’âge est d’environ 25 ans. Ce sont plutôt des gens issus de classes moyennes ou ouvrières. Ils sont pour la plupart cultivés et politisés. Ils ont une furieuse envie de s’amuser et de donner un sens à leurs jeux. Ce sont des personnes ouvertes d’esprit et curieuses d’elles mêmes. La plupart sont étudiants ou bien ont des emplois précaires. Comme moi, qui travaille à mi-temps dans une association. J’anime des séminaires, des ateliers d’éducation populaire et des chantiers internationaux. Etre clown m’aide à ne pas me prendre au sérieux très longtemps.