Aaah, on avait envi de sortir pour contre le black friday, encore un sale truc de ce monde d’avant qui gonfle, se gave grossi et va finir par exploser salement https://www.dailymotion.com/video/x500tv (Monty Python – Le Sens de la vie). Noush l’écrit : « J’ai eu la vision cette nuit de clowns noirs du Vendredi Noir, sortis par sollicitude en ce jour très très noir pour prononcer leur condoléances à toutes les personnes qu’elles rencontres ».
Nous discutions de 3 niveaux de dureté envers le public pour cette sortie, du plus dur « vous surconsommer, cela nous tue » en passant par « la tristesse de la mort de la sobriété » et arrivant au plus clown-naïf « c’est l’enterrement de qui aujourd’hui ? ».
Nous choisissons de ne pas aller dans le dur avec les gens, cependant, comme le dit si bien Maguy avec son grand sourire « De toute façon, rien ne va se dérouler comme prévu, non ? ». Dont acte. Nous allons finalement naviguer entre ces 3 états.
Quelle chose étrange que 8 être vivants, chaussés de nez, costumés plutôt en noir qui déambulent, complices, dans la rue. Une vie de clowns en mouvements, sensibles et révoltés.
Tramway tranquille et calme à la limite de l’ennui. Nous entrons dans la première boutique de centre ville signalée par son « black friday -50% ». Une boutique de vêtements chics pour homme. Nous jouons de ce vendredi noir comme la mort de ce pauvre Armand Thierry. À la caisse, à la vente, elles nous laissent faire sans remarques désagréables ni énervement, plutôt amusées. Nous pouvons même imaginer un sourire dernière ces p….. de s……..de m….. de masque. Un premier contact, plutôt calme et serein. J’ai cependant l’impression que ça ne démarre pas, il manque quelque chose. Nous décidons d’aller à la fnac. En statique puis à la queue-le-le nous chantons sur l’air d’OCB « consommer, faut acheter, faut acheter, faut acheter, consommer, on en a jamais assez, ninnin, ninin, ninin… ». Les gens regardent vaguement, les vendeurs aussi. Nous faisons une prière devant l’écran télé hyper-géant et tentons quelques remarques enthousiastes « oh, un écran encore plus grand, voila qui va nous sauver, pourvu qu’il ait la 7G ». L’une de nous commence à se sentir oppressée dans ce lieu fermé et bondé, nous allons sortir. Le but n’est pas de se faire du mal. Pendant que nous partons, je me glisse dans le rayon des smarphones et tablettes, montrant aux gens comme cet écran est tellement petit et n’a même pas la 17G qui, pourtant, va tous nos sauver. Un jeune vendeur me dit « Oh, parlez moins fort, je conclus une vente là. » Déprimant… mais voila enfin le point d’accroche que j’attendais. Je lance à la cantonade « parlez moins fort, ce monsieur conclus une vente ! ». Il se tait et un vigile arrive (enfin) pour me demander, et nous demander de partir. Il est jeune et ne sait pas trop comment s’y prendre, je reste éminement polie, respectueux et courtois à son égard mais n’en fait qu’à ma tête. Un vendeur plus agé arrive, et nous dit « allez, venez, je vous emène aux points de réduction les plus gros, ça va être marrant ». Mais il a tout compris lui ! Alors ceux d’entre nous qui étaient toujours là, le suivons pour jouer avec lui. Il a tout compris, finalement, c’est pas compliqué un clown. Un autre employé me demande
- et est-ce que vous êtes vaccinés au moins ? (la police la citoyenne en marche) Aaaah, merci pour cet autre point d’accroche dans cette grotte de zombis neurasthéniques.
- aah, mais ça monsieur je n’ai rien à vous dire à ce sujet, cela tombe sous le coup du secret médical.
- ben si vous me dites ça c’est que vous ne l’êtes pas en fait (malheureusement classique délit d’intention alors que je ne fais que rappeler un droit crucial des citoyens) Cette petite pique tend à me faire sortir de mon clown et à repondre en humain « ben, si, je suis vacciné, connard », mais j’arrive à ne pas rentrer dans son jeu. Je démarre en impro total, le ton y est, je me sens dendans, même si le contenu est maladroit, mais bon j’occupe la scène et l’effet poil à gratter du clown commence à faire effet. La sortie est toute proche, je vois le secours populaire dans un petit abris dehors, proposant d’emballer les cadeaux pour quelques sous. Je suis parti dans le speech militant alors je continue
- et n’oubliez pas de donner au secours populaire, messieurs Darty et Fnac n’ont plus de liquidités, leurs dizaines de milliers de milliards sont dans les paradis fiscaux, alors c’est à vous de donner etc. etc. Finalement nous sommes tous sortis, tout le monde est là, et sommes placé de part et d’autre de l’entrée à entonner des préparés par Marioche. Elle chante les phrases et nous les reprennons ensuite. Ça e fait bien. J’entends du sas du magasin
- voila vous pouvez chanter dehors, ça nous dérange pas, et revenez plus tard pour acheter. … no comment … vaut mieux pas …
Bref, impression mitigée, même si les chants font un bien fou. Elle a pas vraiment démarrée cette sortie… nous sommes une ribambelle de flamèches qui tente de se déplacer et de luir dans un gras, visqueux et collant broullard de biomasse amorphe et déprimant.
Quand soudain un grand jeune homme portant un sac à dos Sea Sheppard vient vers nous et nous tend un papier des Friday For Future. Ils sont non loin de là devant le Zara ! C’est l’euphorie,
- on va à Zara !
- Zara !
- oué, Zara !
- c’est où Zara ?
- quelqu’un sait ou est Zara ?
- hého ? Zaraaaaa ? et hop nous voila parti en recherche du Zara.
Quelques centaines de mètres plus loin nous trouvons le Zara. Les portes sont dégagées, une banderolle déployée de chaque côté et, peut être, une vingtaine de jeunes. Un vigile discute dehors avec l’un d’eux, je les voit de profil. Bien, bien, l’entrée est libre… je ne sais pas ce que le groupe va faire, mais je me lance, c’est l’occasion. J’accélère le pas, me place devant les portes, « aller, vite » elles s’ouvrent, j’entre rapidement et je ne réfléchie plus, je me lache complètement. Je parle de la fast-fashion, des gamins qui meurent pour faire ces fringues, alors il faut en profiter d’en acheter plein tant que c’est en solde et qu’il reste des gamins, je vais à l’étage, -50% de réduction, 8€ le blouson en cuir, j’en veut 5. Nouveauté cette année, 50% sur l’éco-anxiété, plus de 50% des jeunes souffrent d’éco-anxiété (j’avais écouté un reportage qui m’a beaucoup touché (https://nanogrenoble.wordpress.com/2000/11/21/eco-anxieux-ultra-lucides/), allé, tous ensemble on peut faire monter à 60% ! qui dit mieux ! Plus de 50% des jeunes et post ado ne veulent pas avoir d’enfant, achetons plus, profitons des soldes et de la fast-fashin, on peut faire monter à 60% et quand on sera à 100% de jeunes qui ne veulent plus avoir d’enfant sur cette planète qu’on a pourrie et ben on aura plus de place pour nous. etc. Ça sort tout seul. Tant pis pour le culpabilisant. Les gens me regardent, les yeux plutôt triste, certains certaines en arrêt, leurs achats au bout de leur bras balants pendent comme des cadavre de poisson hors de l’eau depuis trop longtemps. Acheter n’est plus un long fleuve tranquille. L’étage se vide alors je redescend. Un petit gros costaud vigile, genre rugbyman Māori m’attend et me demande de sortir. Il m’attrappe par le bras, je lance, plein d’emphase
- jeune homme, s’il vous plait, je vous rappelle que vous n’avez pas le droit de me toucher…
- j’m’en fout, tu sors d’ici.
- vous n’avez pas le droit de me toucher, notez que j’obtenpère pacifiquement et que je suis en train me diriger vers la sortie. ÂÂÂtention, je porte plainte et entame une procédure judiciaire si vous ne me lââââchez pas. Il me lâche. Je fait un pas de côté, il tente de s’interposer et je commence la danse du vigile. Je n’ai aucune idée de ce qu’il fait, mais je me baisse, pivote, me relève, tourne sur moi-même, traverse la queue des clients attendant à la caisse, il me suit maladroitement, je re-traverse la queue. J’entends un voix forte :
- ‘tain mais je vais le frapper ! Ah voila qui me redonne du jeu.
- il veut me frappeeer, aaahaaa, il veut me frappeeer, au secours, il veut faire usage de la violence à mon égard, aaHaaaHaaa, auuuu secouuuurs, aidez moi ! et je repars en marchant rapidement, bras levés, dans les rayons d’une autre zone du magasin. J’apperçois les collègues au dehors, ça me réchauffe le coeur. Bon, je suis sec, j’ai dépensé plus que je n’en peu, je ne sens plus rien à faire là. Plus serai trop pour moi. Je sors. Les FFF et les collègues sont là. Un jeune homme d’affaire du magasin, chemise stylée moulante, barbe de 3 jours derrière le masque nous envoi tout son mépris, une femme plus agée pantalon chic, sort avec son téléphone, le pas pressé, je ne sais plus ce que je lui dit, mais elle compte appeler la police. Nous dérangeons le business. Les jeunes de FFF prennent leur mégaphone pour leurs prises de parole. Nous faisons une chaussette de groupe, technique de clown de rue, avec état de tristesse pour l’allée, vers Zara, et éxcitation pour le retour. J’aide un des jeunes à placer une banderolle devant Zara et non plus sur le côté. Nous prennons soin de ne pas bloquer l’entrée pour le public, ce qui serait alors illégal. Je tiens la banderolle avec lui, et regarde les collègues faire un 1-2-3-soleil-émotion devant nous. C’est trop, trop, chouette. Ça rend super bien le 1-2-3-soleil-émotion en public. Je ne sais pas trop comment ça c’est passé dehors quand j’étais en représentation à l’intérieur, mais les FFF semblent content de notre présence. Une fourgonette de keufs arrivent, ils discutent à l’entrée de Zara avec la responsable, « non, il n’y a plus personne qui dérange à l’intérieur », « non, l’entrée n’a pas été bloquée », « non, il n’y a eu ni vol ni dégradation ». Les keufs repartent et s’appuient sur leur camionettes, nous demande de mettre notre masque parce que blablabla… et ils se posent, papotent et fument leur clope, pas stressé pour un sous. Ils sont les seuls à avoir encore un peu de lucidité. Nous obtempéront et continuons à jouer, danser devant Zara. Les FFF s’animent « anti, anti, anti capitalistes », ou « on est là, on est là »… nous reprennons avec eux, en dansant.
Puis, le se-fait-tard arrive et nous sommes vannés. À la queue-le-le nous passons devant les porteurs de banderolles et leurs voisins FFF pour tous les prendre chacun chacune dans nos bras, c’est le kiff total, un bel état de communion, il y a une vraie émotion. J’espère que l’on pourra ressortir avec eux et elles. Il le faut. C’est ça qu’il faut faire.
La rentrée vers notre QG de supers clowns héros. Les lignes blanches des passges piétons deviennent, à l’évidence pour nous tous, les étapes pour passer le précipice de la rue. C’est le signe, c’est que ça c’est bien passé, et cette rentrée à pied est dans ce cas là, toujours un super moment, un moment de jeux sur tout et n’importe quoi, d’impros innatendues, tout devient pretexte. C’est vraiment chouette. Les plus pressés tracent pendant que les autres, nous continuons à jouer avec les gens ou tout ce qui nous passe sous la main.
Comme à chaque fois, pas assez de temps pour se poser et faire un vrai débrief de la sortie. On fera ça lundi à l’atelier, même avec ceux celles qui n’étaient pas à la sorties, ça fera un jeu de papote 😀
Zal, première sortie, a été enguelée par une personne disant que nous n’avions pas le droit de la faire culpabiliser. C’était une sortie dans le dur avec les gens en fin de compte, un peu ma faute. Maguy avait encore raison, cela ne s’est pas passé comme prévu. Je discute pas mal avec Zal, je suis désolé de ce côté dur de l’expérience. Nous avons quelques techniques pour ne pas déclowner quand notre humain est attaqué dans son intime. On ne veut pas que les gens se sentent mal, au fond. Ce genre de réaction nous fait également du mal, et ça a fait du mal à Zal. « Ça va maintenant », j’espère pour de vrai. Elle a quand même trouvé le possible du clown carrement puissant.
Lundi on aura beaucoup à papoter.